XVIIème session – Partie 1 – Chapitre 5 : Le marché du travail

PARTIE I – ÉLÉMENTS D’ANALYSE ET DE RÉFLEXION

CHAPITRE 5 : LE MARCHÉ  DU TRAVAIL

Il est coutume de dire que le marché du travail français est peu performant lorsqu’on le compare à d’autres pays. Avec une structure de chômage de masse qui touche essentiellement les jeunes à l’entrée sur le marché du travail et les seniors en difficulté de transition professionnelle, il exclut une partie de la population.


En découle une première faiblesse structurelle : en raison d’un plus faible nombre de travailleurs en activité, le nombre total d’heures travaillées par habitant en France est plus faible que dans les pays voisins. Il y a ainsi 1,2 fois plus d’heures annuelles travaillées par habitant au Royaume-Uni, en Allemagne, en Suède et en Espagne. Depuis 20 ans, ce nombre d’heures total baisse (environ -0,2 % par an), alors qu’il croît dans les économies plus performantes. De plus, la moyenne horaire de travail hebdomadaire et le nombre de jours travaillés en France ne font que creuser cet écart du nombre d’actifs entre les pays européens.

Point positif, le PIB par heure travaillé en France est élevé, proche de celui de la Suède et légèrement supérieur à celui de l’Allemagne, significativement plus élevé que celui du Royaume-Uni et de l’Espagne. Néanmoins, il faudrait que cette productivité soit encore plus élevée qu’elle n’est actuellement pour compenser la moindre quantité de travail vis-à-vis de nos voisins. Une amélioration du taux d’emploi, particulièrement des populations jeunes et seniors, et une poursuite de l’amélioration de la productivité, notamment dans des secteurs tels que l’industrie où la productivité diminue, permettrait d’améliorer la performance au marché du travail français.

Du point de vue du coût du travail, la France pâtit d’un coût horaire de la main-d’œuvre élevé. Cela s’explique notamment par des coûts non salariaux à 32,9 % du coût total, ce qui est largement plus élevé qu’en Allemagne (22,1 %) ou au Royaume-Uni (18 %). Avec un salaire médian à 1800 euros par mois, le travail est à la fois plus coûteux pour les entreprises et moins rémunéré pour les salariés – notamment les salariés qualifiés. À cela s’ajoute la faible perspective d’évolution salariale malgré les performances et/ou les gains de compétences qui creuse l’écart performance/salaire et impacte le niveau d’engagement.

D’un point de vue plus qualitatif, le marché du travail français se caractérise par un niveau d’engagement des salariés particulièrement faible. Le sondage annuel Gallup sur le marché du travail constate qu’en 2019, 6 % des français seulement se disent engagés et 25 % activement désengagés, soit 4 fois plus de personnes désengagées qu’engagées. En Allemagne, ce rapport est de 1 pour 1 (15 % des sondés se disent engagés et 15 % activement désengagés).

Opportunités de transformation pour « réinventer » le marché du travail.

Plusieurs opportunités de transformation se dégagent pour réinventer le marché du travail. Une d’entre elles est d’assurer l’inclusion et à la motivation, en réinventant les modèles et les modes de travail vers plus de confiance, de flexibilité et d’agilité. Le télétravail en est une des concrétisations. Son adoption est pour l’instant moins prononcée en France, avec un salarié sur 3 en télétravail en avril 2020 contre un sur deux en Espagne, et environ un salarié sur 10 depuis l’été 2020.
Une seconde piste, primordiale pour les générations à venir, est de bâtir les compétences de demain de l’ensemble des français. La formation initiale est en jeu: la France jouit d’une proportion de bons élèves stable et supérieure à la moyenne des pays de l’OCDE mais une proportion d’élèves en difficulté toujours au-dessus de la moyenne de ces pays. En outre le WEF identifie notamment un déficit de compétences sur le numérique, qui pourrait tendre à s’accroître au vu de la dégradation des scores PISA et du nombre actuel de doctorants.

D’autre part, la digitalisation des entreprises provoquera, sans politique volontariste de formation et d’adaptation des compétences, une obsolescence des métiers plus rapide et plus fort sur les générations d’emploi déjà fragilisées. Le rapport « Productivité et compétitivité: où en est la France dans la zone euro? » du Conseil national de productivité signale d’ailleurs une obsolescence rapide des compétences acquises par les Français et un retard en matière de compétences comportementales (confiance en ses propres capacités, estime de soi, gestion de l’anxiété…).

La formation continue permettrait de bâtir la nécessaire montée en compétences des Français, à commencer par les moins diplômés, qui y ont aujourd’hui un accès plus limité que ceux qui disposent d’un niveau d’études initiales supérieures. Les sommes dédiées à la formation professionnelle représentaient une trentaine de milliards d’euros (14) en 2012. Or malgré cette capacité d’investissement conséquente, les Français sont actuellement moins nombreux à bénéficier de la formation professionnelle que la moyenne des habitants de l’OCDE (15). Un peu moins du tiers des Français de 25 à 64 ans, suivent chaque année une formation liée au travail, contre 41 % dans l’ensemble de l’OCDE. Si on regarde du côté des publics prioritaires, les résultats sont encore plus inquiétants: seuls 15 % des adultes peu qualifiés participent à la formation professionnelle chaque année, soit 5 points de moins que la moyenne. Ils sont 13 % chez les seniors et 16 % chez les chômeurs de longue durée. L’efficacité des systèmes de formation professionnelle représente donc un enjeu à la fois social et économique majeur.
Face aux défis identifiés, il semble que les réformes aillent plutôt dans le bon sens. Le CPF version 2019 apporte du financement et de la souplesse à ses bénéficiaires, et améliore l’accès de tous à la formation. La réforme de l’alternance ainsi que la meilleure prise en compte des formations digitales et en situation de travail pourraient améliorer l’adéquation et l’efficacité des formations.