XVIIème Session – Partie 2 – Chapitre 6 : Le combat pour l’intégration du handicap et la lutte conte la pauvreté comme priorités de la nation française

PARTIE 2 : LES DÉFIS DE LA FRANCE DU 21ème SIÈCLE 

CHAPITRE 6 : LE COMBAT POUR L’INTÉGRATION DU HANDICAP ET LA LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ COMME PRIORITÉS DE LA NATION FRANÇAISE 

Le Handicap

Selon le 10ème baromètre des discriminations dans l’emploi établi par le Défenseur des droits et l’Organisation internationale du travail (2017), le monde du travail est perçu comme le premier lieu de discrimination. Parmi les 5500 réclamations enregistrées chaque année par le Défenseur des droits en matière de discriminations, un tiers sont relatives à l’origine de la personne au sens large (origine, nom, religion, lieu de résidence). Un deuxième tiers concerne les discriminations liées au genre, le dernier tiers, celles liées au handicap.


Le Rapport annuel d’activité 2018 du Défenseur des droits, publié en mars 2019, révèle que le handicap est devenu la première cause de discrimination en France. D’après l’INSEE, près de 10 millions de personnes entre 15 et 64 ans sont en situation de handicap dans notre pays, soit un Français sur sept (16).
L’honnêteté convient de constater que la situation semble évoluer de façon positive, tout au moins s’agissant du regard social. Même si les difficultés sont encore très fréquentes, le regard que la société porte sur le handicap s’est peu à peu transformé. Le temps est révolu où on tenait le handicap enfermé dans le secret des familles, rejeté au fond des hospices et des institutions de charité. La société prend progressivement conscience que le handicap concerne chacun et responsabilise tous. Qu’il soit présent dès la naissance, qu’il survienne à la suite d’une maladie, d’un accident de l’existence ou du travail, le handicap fait ainsi partie de la vie. Toutefois, pour l’anthropologue et spécialiste des questions relatives au handicap Charles Gardou « si les attitudes ont varié face à la vie handicapée, les crispations normatives et les fêlures de la communauté humaine qui en découlent sont pérennes. Résistant au temps, elles traversent les siècles. Parce que la survenue du handicap nous dérange, nous fait vaciller, nous panique. (17) » La lutte contre les discriminations est donc un combat qui doit être mené avec une énergie affirmée et la plus grande détermination.
La justification est d’abord économique.
Le rapport 2016 de France Stratégie sur Le coût économique des discriminations démontre que les discriminations sont économiquement pénalisantes pour la collectivité et que leur élimination induirait, à terme, un gain substantiel en croissance et en revenu alors même que le taux de chômage chez les personnes en situation de handicap reste deux fois plus élevé que pour le reste de la population. Ensuite et surtout, lutter contre les discriminations est une question d’éthique et de justice sociale, loin de s’opposer à l’efficacité.

Le progrès technologique est bien sûr une piste pour l’amélioration des conditions des personnes en situation de handicap et le monde de la tech a encore une marge de manœuvre importante pour innover en matière d’aide au handicap. Si de plus en plus d’entreprises investissent le domaine de la tech lié au handicap, certaines technologies restent néanmoins peu accessibles du fait de tailles de marchés sont trop faibles. La France, fidèle à ses valeurs, pourrait tout mettre en œuvre pour travailler au renforcement de la cohésion sociale et faire de la lutte contre le handicap une priorité absolue qui la distingue des autres nations et la place dans une catégorie « à part ». C’est une question de civilisation et d’ambition universaliste. « Le handicap ne peut pas être un handicap » disait Stephen Hawking. Le 21ème siècle dira s’il avait raison.

(16) INSEE, Tableaux de l’économie française. Édition 2011
(17) Handicap, une encyclopédie des savoirs. Des obscurantismes à de Nouvelles Lumières, Érès, Toulouse, 2014)

La Pauvreté

S’agissant de la lutte contre la Pauvreté, nul autre homme que Nelson Mandela avait mieux résumé l’intensité de celle-ci. « La pauvreté massive et l’inégalité obscène sont les fléaux épouvantables de nos temps – des temps dans lesquels le monde fait des avancées à couper le souffle dans le domaine des sciences, de la technologie, de l’industrie et de l’accumulation de richesse – qui doivent se classer à côté de l’esclavage et l’apartheid comme des maux sociaux. Ce sont les hommes qui créent la pauvreté (…), et ce sont des hommes qui la vaincront. » Dans son discours sans appel à Trafalgar Square en 2005, le Président sud-africain fustigeait la désincarnation de la pauvreté dont trop souvent d’aucuns en parle comme d’un « phénomène structurel ». Fléau social qui touche 9 millions de Français, dont 3 millions d’enfants, nul n’est plus à l’abri d’être un jour candidat au « toboggan social » conduisant à l’exclusion, à la détresse, à la souffrance, à la violence, et parfois à la mort.
Dans sa présentation de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté en 2018, le Président Emmanuel Macron expliquait que le socle de l’État-providence du XXIe siècle ne pourra accepter la persistance de la pauvreté pour près de 15 % de sa population et « devra garantir à chacun des droits, une place, une émancipation, une dignité ». Le rapport 2020 du Secours Catholique sur « L’État de la pauvreté en France en 2020 » montre que le reste pour vivre médian – une fois les dépenses incompressibles déduites – est de 260 € par mois et par Unité de Consommation! Autrement dit, plus de la moitié des ménages (ménages rencontrés par le Secours Catholique dans le cadre de l’enquête) disposent de moins de 9 € par jour pour se nourrir, s’habiller et couvrir d’autres dépenses essentielles à la vie humaine, comme l’accès à la culture ou à l’épanouissement (vacances, loisirs,…). Un quart des ménages rencontrés disposent même de moins de 4 € par jour…
Ces chiffres ont été établis avant la crise pandémique, qui a agi comme un accélérateur d’inégalités. Ainsi l’étude plus récente du Conseil d’Analyse Économique (CAE) (18), indique que les deux premiers déciles (les ménages aux ressources les plus faibles) ont dû entamer leur maigre épargne entre février et fin août, alors que les ménages les plus riches ont thésaurisé plus que d’habitude durant la période. Près de 70 % du surcroît de l’épargne a été réalisé par les 20 % de ménages les plus aisés (9e et 10e déciles).
La crise a également mis en exergue certaines failles de notre modèle social. Si le chômage partiel a permis d’éviter le pire pour de nombreux français, cela est particulièrement vrai pour les personnes en emploi stable, moins pour toutes celles qui étaient éloignées de l’emploi, ou qui étaient dans des statuts d’emplois précaires (intermittents, auto entrepreneurs, ect.) avec de moindres protections.
Faudrait-il alors aller beaucoup plus loin dans la transformation de notre système social comme le préconise le Secours Catholique en demandant l’augmentation significative des minima sociaux et la mise en place d’un revenu minimum garanti porté à 50 % du niveau de vie médian, soit 893 € (estimation 2019)? Cette position est aussi celle de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) qui préconise la création d’un revenu universel d’activité dans un avis paru en juin 2020.
La société française doit pouvoir assurer une sécurité de revenu à tous ses membres, en particulier aux plus fragiles pour assurer sa cohésion et son dynamisme économique. Le principe de « revenu universel » fait cependant débat. Il est considéré à certains égards comme « désincitatif » à l’emploi et à tout ce que peut procurer le travail comme facteur d’intégration et de cohésion.
Le débat sur le revenu universel empêche aussi les réflexions sur une mobilité sociale défaillante qui est un problème de fond. Le rapport de l’OCDE du 15 juin 2018 constate ainsi qu’en France la pauvreté se transmet en héritage: il faut six générations pour que les descendants d’un Français issu d’une famille pauvre accèdent à la classe moyenne.
Si le retour à l’emploi est une des clés pour sortir de la pauvreté, cela n’est pas suffisant. La crise de la Covid-19 constitue aujourd’hui une crise sociale majeure qui fait courir un grand risque sur les personnes précaires et particulièrement les jeunes en accentuant les inégalités entre générations.
Pour éviter que les situations de pauvreté se multiplient, il est nécessaire de donner aux français, et aux étrangers dans le pays, de l’espoir. L’espoir que la mobilité sociale existe, que malgré les échecs la situation de précarité ne condamne pas définitivement et n’est pas pérenne. De l’espoir pour mener les combats de la vie.
Être pauvre, c’est d’abord un combat. Une lutte quotidienne sur tous les fronts. Avec elle vient la problématique d’accès au logement, à l’alimentation de qualité et à la santé. Vient également la peur, celle de ne pas pouvoir donner le minimum vital à ses enfants, la peur du regard d’autrui, la lutte pour obtenir la dignité et le respect dû à chaque personne. Viennent aussi et enfin les difficultés dans l’éducation, la formation et donc l’accès au travail, condition d’un revenu décent, qu’aucune politique de réinsertion n’est venue favoriser. En dix ans, les dépenses de RSA ont augmenté de 80 % quand les dépenses d’insertion ont baissé de moitié. Et pourtant, dans ces conditions, seulement 9 % des allocataires du RSA retrouvent un emploi dans l’année et que 40 % sont au RSA depuis cinq ans. (19)

(18) Dynamiques de consommation dans la crise : les enseignements en temps réel des données bancaires, Focus n° 049-2020, CAE, octobre 202
(19) Discours du Président de la République, Emmanuel Macron, présentation de la stratégie nationale de prévention de lutte contre la pauvreté, septembre 2018